Journées de l’architecture au CAUE
Julien de Smedt est un architectecte franco-belge. Sa conférence s’inscrit dans le cadre de l’exposition sur le design danois qui a lieu au CAUE et des journées de l’Architecture qui ont donc démarré hier soir, puisqu’il y a eu l’inauguration. Et je rappelle que les JA perdurent jusqu’au 21 octobre. Pour ceux qui n’ont pas encore le programme, je sais pas si l’école en distribue, je crois qu’il en reste peut-être encore un petit peu au CAUE, auquel vous êtes conviés après la conférence pour voir l’exposition et pour poursuivre éventuellement les débats, parce que je ne sais pas si on va pouvoir s’éterniser très longuement ici.
Julien de Smedt, pour le présenter, mais je vais pas le faire longtemps, parce que son propos est des plus illustratifs, donc je préférerais lui donner la parole le plus rapidement possible. Je dirais qu’il est assez représentatif de la nouvelle architecture, des nouveaux architectes, dans le sens où, de par sa formation, il a un cursus, une formation initiale, tout à l’heure j’ai dit amicalement qu’il était un peu un zappeur, parce qu’il n’a pas fait son cursus dans une seule école, il l’a fait au moins dans quatre ou cinq, je crois en France, ou 6, même, je suis loin du compte : l’UP8, la Cambre… Enfin, il pourra le dire mieux que moi tout à l’heure. Et puis, surtout, ça s’est traduit par la suite aussi : un exercice de la profession qui est tout de suite sur une dimension internationale, donc ça va se ressentir, se traduire, se voir dans les différents projets qu’il va nous présenter. Donc Julien, la parole et l’image est à toi.
Architecture au Danemark
On m’a demandé d’intervenir en tant que représentant du Danemark, au départ, mais ça c’était pour l’intervention précédente, ce qui est assez, enfin, j’en suis très fier étant donné que je suis moi-même franco-belge, donc à priori j’ai pas grand chose à voir avec le Danemark. Mais il se trouve que j’exerce depuis près de huit ans au Danemark une profession d’architecte et un bureau d’architecture, quelques bureaux d’architecture maintenant. Ce qui est intéressant avec notre manière de travailler l’architecture, ce qui m’a interpellé dans la demande, donc, de représenter le Danemark était de savoir : qu’est-ce qu’on fait en fait ? et qui est-ce qu’on est ?
J’ai pris quelques photos dans mon bureau. J’ai analysé ce que ça voulait dire. Il se trouve que dans le bureau, on est très peu de danois. Donc, par exemple, l’idée d’être danois a peut-être changé un petit peu dans le sens où, maintenant, après huit ans d’exercice de la profession, on est une cinquantaine de personnes, et on a plus de 20 nationalités différentes. Donc, c’était assez révélateur de la manière dont on exerce notre profession d’architecte. Ce qui nous intéresse, c’est de travailler dans la diversité.
Architecture en Belgique
Ici, sont des projets, par exemple en Norvège, évidemment en Belgique. Ici, un projet qui est qui est une commande ferme mais qui n’a pas d’endroit. On a un programme, on a un commanditaire mais on n’a pas de site, donc on se balade avec le projet, on essaie de trouver un site. Pour l’instant, le moyen-orient est forcément l’endroit le plus accueillant, disons.
Architecture à Montréal
Un projet à Copenhague, ici à Montréal. Un projet intéressant puisque, presque dans la même manière, on a fait le projet de manière introvertie, c’est à dire que le projet en soi est dessiné, c’est du logement grande échelle avec un parc public, et puis on a un site assez large, à Rome.
Exemple de projet : Junk Tree
Dans cette idée de diversité, on a aussi une diversité de taille. On travaille de la toute petite échelle, là c’est nos premiers pas dans un design de produits, dans ce cas-ci un bol, produit ménager, et des produits aussi qui viennent de l’idée de travailler avec des petits problèmes. Ce sont des choses qui nous ennuient tous les jours, par exemple le bordel au bureau ou à la maison. Ici, c’est un bonsaï mort que j’avais chez moi, qui est mort parce que je voyage trop et que j’ai jamais le temps de m’en occuper, et puis à la place de le laisser et de le jeter, j’ai commencé à l’habiller de ce qu’il y avait à la maison, puis tout à coup j’ai eu l’idée que ça pourrait être un concept, donc j’ai fait un “junk tree”, un arbre de bordels. Un truc tout simple et c’est le genre de produit qu’on aime bien faire, parce que c’est vraiment très casual, très sur le sur le pouce.
Là, on nous a demandé, c’était une commande, de faire une cage à oiseaux, une commande assez triste. Donc on a évidemment proposé de faire une maison pour oiseaux, un truc ouvert, donc ce qu’on va produire c’est cette maison qui a toutes les fonctions qui sont nécessaires, mais qui est ouverte. Dans la petite échelle, encore, on travaille dans du mobilier pour des bâtiments qu’on a créés. Ici, encore, et là notre dernier produit c’est une espèce de système de rangement qui est complètement flexible, et qui est maintenant en production.
Architecture à New-York
Alors, pour continuer dans l’idée de la diversité, on travaille énormément avec différents médias, en tout cas on essaye. Ici, on nous a demandé de faire une expo à New York, à Soho dans cet espace d’exposition, Arty Space, et là je leur ai proposé, plutôt que d’exposer notre travail, ce qui était un peu la solution facile, je leur ai proposé d’exposer une expérience de l’espace, en fait d’exposer l’entièreté du bloc derrière cet espace d’exposition. Ici, c’est l’espace d’exposition, l’écran auquel la personne fait face est rétroprojecteur, donc en fait, ce qu’il voit, c’est les espaces derrière cet écran. Donc, ça, c’est un espace de rangement de la galerie, il va pénétrer dans un espace qui est l’atelier d’un artiste, au travers duquel on peut entrevoir l’appartement de ce même artiste. Et au delà de ça, un espace de toiture qui permet d’entrevoir un bâtiment de Jean Nouvel relativement laid.
Ce qui est intéressant avec ce projet, c’est qu’on parle vraiment d’architecture, on parle vraiment l’espace et de son expérience, on va au delà, même, de la perception habituelle de l’espace, et c’est interactif dans le sens où, évidemment pour la personne c’est interactif, mais aussi si plusieurs personnes entrent dans l’espace, chacun a son propre angle de vision, et si ces angles se rencontrent, indépendamment de la profondeur, ils se rencontrent dans un même globe. C’est assez psychédélique.
Architecture pour tous types de projets : commandes publiques et commandes privées
Alors, un autre truc qui nous intéresse évidemment, la diversité des programmes. Ici, c’est un hôpital psychiatrique, pas exactement un programme habituel, un hôtel à Las Vegas, un projet de logements d’étudiants, petit complexe, ici un projet de bibliothèque à Stockholm, un logement à Montréal, un marché couvert à Barcelone, une île, enfin un plan urbain, en Lettonie, ici un projet mixte commercial et logement en Belgique.
Un autre truc qui nous intéresse énormément, c’est les extrêmes, pas seulement parce que c’est amusant de traiter des extrêmes, mais aussi parce que ça génère des réactions extrêmes. Ce qui peut générer en gros des solutions nouvelles, et si quelque chose d’extrême se traduit quelque chose de moins extrême mais avec l’idée et l’ambiance, à Copenhague.
Références architecturales et références culturelles
Des références peut-être différentes. On travaille beaucoup avec évidemment des références architecturales, comme on fait tous en tant qu’architecte, mais aussi des références autres. Ici, c’est une référence d’un skateur. J’étais moi-même skateur, donc c’est une référence assez importante pour moi. C’est important parce que c’est des gens qui comprennent probablement l’espace urbain mieux que les architectes, étant donné qu’ils le comprennent dans leur matérialité, dans leur durabilité, dans leur capacité à endurer des attaques de tout ordre, et ce gars-là, en particulier, est assez exemplaire dans son abus d’espaces publics, et ça c’est un des trucs qui nous intéresse. On voudrait faire des espaces où un gars comme ça peut aller s’amuser. Ce qui nous a souvent valu l’étiquette de gens qui construisent pour les skateurs. Par exemple, ce bâtiment-ci a été souvent présenté comme un bâtiment pour skateurs alors qu’il n’est pas du tout skatable. Par contre, c’est un bâtiment qui est créé pour une série d’autres raisons que celles-ci.
Projet d’espace public
Les raisons, en fait, découle du fait que le client est multiple. On a à gauche une maison de jeunes, qui veut utiliser l’entièreté de l’espace pour le divertissement des jeunes et l’enseignement de différentes choses. C’est rudimentaire par rapport à l’espace extérieur. Et puis, alors, un club de voile qui est beaucoup plus pratique. Ils veulent utiliser l’entièreté de l’espace pour stocker leurs bateaux, leurs mâts, leurs voiles. En plus de ça, on a un site qui est pollué, ce qui nous coûte un quart de notre budget juste en assainissement du sol. Ce qu’on a proposé aux clients de faire, après étude de la pollution, sachant que c’était uniquement une pollution de métaux lourds, donc il n’y avait pas de gaz, donc tant qu’on ne lèche pas le sol, il n’y a pas de problème apparent, on a proposé donc de couvrir l’entièreté du site et de permettre de modéliser une espèce de terrasse en bois qui coûterait grosso modo le même prix que l’assainissement du site, de la modéliser pour intégrer le programme, la végétation environnante, différents programmes extérieures, ainsi de suite. Ceci, en fait, dans le but de résoudre le problème de base qui est que l’entièreté du site serait couverte par des bateaux et par les besoins du club de voile, plutôt que ceux de la maison de jeunes. Donc, si vous voyez un peu l’idée du projet, c’est d’avoir les deux en même temps, donc une espèce d’utilisation à 200% du site. Après, on a proposé une série d’autres choses qui pourraient se dérouler sur cette toiture. Ce qui est la résultante, c’est ce plan, cet ensemble, qui est en fait assez simple, une grille 240 par 240 qui permet d’engranger les bateaux, un club de jeunes à l’avant, une zone plutôt technique et d’ateliers à l’arrière, et puis dans la coupe, la réelle présence du projet, sa raison d’être, l’aspect tridimensionnel. Ici et ici, ça en fait des zones complètement calculées et mesurées pour le stockage de bateaux.
Projet de logement
Dans la foulée de ce projet, un promoteur privé nous a approchés, nous a demandés de faire un projet de logement. Le site, à l’époque, était vide, c’était vraiment une zone presque suburbaine de Copenhague, en tout cas en devenir. Alors, le plan urbain qu’on nous demandait de traiter, c’est celui-ci, donc un truc assez basique, il fallait faire un carré, tout simple. C’est après dix ans d’effort des planificateurs de Copenhague, qu’ils sont arrivés à ça. Ce qu’on a proposé, c’était de s’éloigner de notre voisin à l’époque construit, qui était assez laid, et de faire un bâtiment qui permette des vues diagonales, présupposant qu’il y avait un danger aussi de ce côté-ci d’avoir un autre voisin tout aussi laid, ce qui était une bonne présupposition. Après coup, on a proposé de faire un bâtiment pour finir le bloc qui agirait donc en conséquence de notre propre action, donc un deuxième niveau de cause à effet, et qui permette encore d’avoir une attitude similaire par rapport aux vues diagonales. Donc, voilà le plan du bâtiment VM, que vous connaissez probablement, et sa volumétrie. Donc, sur la base de tout ça, en fait on a présenté ça à la ville, ne devant travailler à la base que sur le bâtiment V, et puis les choses se sont développées, le promoteur a bien vu que cette attitude très globale a permis d’avoir énormément de bons feedbacks de la ville, et donc du coup on a fait l’entièreté du projet. Donc, à la base, on nous demandait de faire quatre typologies d’appartement, on en a proposé 5. Et puis après manipulation du bloc entier, on a fini par 76 différentes typologies dans 230 appartements, donc c’est devant un tetris tridimensionnel de conditions urbaines, de conditions de vie, où un appartement sur deux est différent. On nous avait demandé de faire des balcons de 10 mètres carrés, et on a proposé des balcons en triangle, pour pouvoir permettre à une table de 5 ou 6 de prendre place, donc du côté de la façade, et puis après avoir une espèce de côté extrême à la Titanic, comme ça, de proue de navire, vraiment quelque chose de plus aventureux, et du coup on laisse aussi la liberté à nos photographes d’exagérer, de démesurer l’idée. La voici plutôt dans l’aspect du projet aujourd’hui. On a expliqué au client à l’époque que chaque balcon pourrait avoir son usage, on pourrait soit fumer sa cigarette ou avoir un barbecue en proue de balcon. Le bâtiment se situe juste en face du métro aérien de Copenhague. Alors à l’intérieur, la diversité dont j’ai parlée, elle existe réellement, enfin spatialement, évidemment. Il y a beaucoup d’appartements à double hauteur. Ils sont tous ou presque tous traversants, donc ça permet d’avoir une espèce de d’aération naturel du bâtiment, donc ça c’est un appartement type qui regarde vers la façade sud, dans le bâtiment M regardant vers le bâtiment V. Un bâtiment dessiné par l’école du design au Danemark. On avait deux grands murs à l’entrée du bâtiment M qu’il fallait dessiner, et on se trouvait en fait dans le restaurant du sas royal, avec différentes personnalités de l’architecture, il y avait un portrait sur le mur, et quelqu’un nous a dit que c’était en fait le promoteur du sas royal dessiné par Arne Jacobsen, donc on a proposé aux promoteurs d’avoir leur portrait là, mais pas du tout dessinés par nous, juste une photo et puis après dessinés par la compagnie de carrelage, donc ils ont fait l’entièreté de la peinture, en différentes couleurs de carrelage, et ça donne pas mal à la fin.
Dans la foulée du succès du projet, ça s’est bien passé d’un point de vue des ventes et en même temps d’un point de vue du vécu, les gens qui vivent là sont assez contents, le promoteur nous a demandé de travailler sur un site voisin, mais à savoir que le site voisin était en fait un site alloué aux parkings uniquement, à la base, donc ce qu’on nous demandait de faire c’était un gros bâtiment de parking. Evidemment, ça n’intéressait pas du tout notre promoteur, il voulait mettre du logement dans autant que possible, donc, ce qu’on a proposé, c’est de faire une étude. Pour nous aussi, un bâtiment de parking, ça ne sert à rien, il n’y a rien rien d’urbain qui se passe. Ce qu’on a proposé, c’est d’essayer de faire une étude où les deux programmes, au lieu de diviser le site, le rassembleraient et l’activeraient aussi. Donc, on a proposé de faire une espèce de projet en strates, où le logement se mettrait au dessus d’une espèce de montagne de parking, et résoudrait des questions de vue et d’accessibilité. Par exemple, ici ce serait les rangs de parking et au dessus de ça on aurait une espèce d’étage de logements.
Projets urbains
Donc, un projet très différent des deux premiers, mais en même temps complètement calqué sur l’attitude urbaine, c’est à dire qu’au lieu d’avoir une différenciation complète dans les appartements, dans les typologies d’appartements, ici on a un appartement soit-disant idéal, qui est orienté parfaitement par rapport au soleil, qui a des espaces extérieurs et qui donc prend sa place, et qui se déploie sur l’entièreté du site, et puis après qui est évidemment personnalisé sur les extrêmes, pour les questions d’urbanisme et de maintenance des différentes vues et ouvertures prédisposées.
C’est intéressant de voir la coupe de base. L’idée, c’est qu’il n’y a pas de montagnes au Danemark, c’est un pays complètement plat. On a appelé directement le projet “La montagne”, après coup on a décidé de faire une montagne, de dessiner une montagne sur la façade pour enfermer le parking, et on a convaincu le client que ça valait la peine. On a pris le Mont Everest, donc en fait le pic du Mont Everest se situe là et se déploie de part et d’autre.
Un autre truc assez amusant, c’est une maquette qu’on a faite en esquisse il y a probablement trois ans et demi, quatre ans peut-être. Voici aujourd’hui le bâtiment. Les danois y croient dur comme fer, l’élément suburbain danois a sévi, alors que c’est dans un bâtiment d’une certaine ampleur, c’est assez intéressant. Le voilà tel qu’il est aujourd’hui, et l’espace de parking et d’accès à tous les appartements, on y a fait une fête, il y avait un festival de musique électronique à Copenhague, et le bâtiment a été proposé comme comme lieu de fête, donc du coup on avait trois-quatre mille personnes qui sont venues faire la fête dans le bâtiment en fin de construction.
Et donc ceci m’amène à des projets de plus grande échelle, qui sont des projets qu’on développe pour l’instant au bureau : ici, un projet de logements, bureaux, en gros un projet urbain, mais disons rassemblés en un bâtiment de 4 millions de mètres carrés. On nous demandait de faire un bâtiment de 666 mètres de haut ou de 888 mètres de haut, et en fait de 1111 mètres de haut, donc c’était évidemment une question qui revenait plus à la numérologie qu’à l’architecture. Il fallait aussi que ce soit feng shui. On est dans un climat chinois très fort, en bordure de Hong Kong. Shenzhen, c’est vraiment le nouveau Hong Kong, c’est là où tous les développements se déroulent pour l’instant, étant donné que Hong Kong est complètement saturé.
Si on prend la situation de la région dans les vingt ou trente dernières années, on voit qu’il y a une espèce de dépérissement de la partie cultivée et de la partie nature du territoire et une augmentation énorme de la partie bâtie. L’idée, c’est que ce paysage est en voie de disparition, et ce qui nous a intéressé dans cette région, c’est que Hong Kong est une manière de traiter le problème qui est exemplaire dans le sens où c’est hyper urbain mais en même temps très naturel. On a plein de conditions, comme ça, où la montagne rencontre une infrastructure, et on a des bâtiments très denses avoisinants. Notre idée, c’était de prendre l’exemple de Hong Kong plutôt que celui de Shenzhen, où il ne reste qu’un petit bout de nature. Voici notre site, justement en bordure d’une montagne, donc on aimerait bien montrer l’exemple avant qu’elle soit aplatie.
Plutôt que de créer des bâtiments de 1000 mètres de haut, où on se trouve justement à 1000 mètres de haut à vouloir fumer une cigarette et devoir descendre un kilomètre, on a essayé de chercher à faire un bâtiment qui est plutôt une succession de quartiers, qui ont chacun des conditions urbaines réelles. Donc, on a commencé à modéliser différentes idées. Celle-ci est celle qui a abouti, c’est vraiment une superposition de niveaux qui ont chacun une programmation diverse. C’était la maquette génératrice de l’idée.
Architecture et espaces naturels
Donc, on passe de la composante parc, ici, de manière assez drôle, de la forme de la colonne de Mies van der Rohe, de la toute petite échelle ou l’échelle sociale à l’échelle urbaine, où on a vraiment tout la mixité de programme, et aussi dans la coupe. Voici le projet dans son contexte. Ce qui est intéressant, c’est les espaces intérieurs, évidemment les espaces urbains, où tous les programmes se rencontrent, où toutes les possibilités se découvrent. Evidemment, c’est un projet d’une telle ampleur qu’il y a énormément à faire, d’un point de vue du dessin et de l’architecture en soi. Voici un des quartiers.
Alors à l’époque où on a présenté ce projet, après l’avoir présenté au client, on l’a présenté à la Biennale de Shenzhen-Hong Kong, et deux heures avant l’ouverture de la biennale, la maquette a été volée. Le site est resté mais cette partie-là de la maquette a été volée. On ne l’a jamais retrouvée.
Des projets comme ça, c’est des projets qui prennent des années des années, rien qu’en investissements, rien qu’en études de marché. Pour l’instant, on en est aux étapes antérieures du projet, on a fait le dessin et le dessin changera complètement en rapport au marché, au moment où les investisseurs sont capables de traiter la question. Pour l’instant, on nous a déjà demandé de réduire la tour de 200 mètres. A mon avis, c’est un projet qui va se réduire pas mal. Ce qui est intéressant, c’est plutôt le travail de compréhension de la grande échelle dans un bâtiment. Si on prend la Burj Khalifa à Dubaï, qui fait à 880 mètres, c’est un bâtiment qui va être très mal vécu, dans le sens où il y a vraiment une distance telle au sol, qu’il y a tellement peu d’espaces communs et d’espaces sociaux, que je pense pas que ce soit un bâtiment qui en fin de compte sera bien vécu.
Concours architectural
Ici, c’est un projet en cours de concours. Je le présente puisque je suis en concours contre votre pritzker, Monsieur Nouvel, donc ça vaut la peine de le montrer. C’est un projet qui se passe en Italie, à Rimini. Rimini, c’est une ville de bord de mer et de fête qui aimerait transformer son aura, donc notre idée est de travailler avec l’espace public. Le site est situé de part et d’autre du parc Fellini. L’idée est de faire un projet qui soit majoritairement public. Evidemment, on a des investisseurs privés, donc il y a tout une question entre le privé et le public qu’il faut traiter. A priori, c’est difficile de faire un projet là puisque, historiquement, c’est une zone publique, mais maintenant qu’elle va être donnée au privé, c’est difficile de gérer cette pression du public. On a décidé d’en faire un peu l’idée de base de notre projet, donc d’abord on a regardé ce qu’il y avait sur le site. La plage, c’est presque une petite ville en soit. Derrière la plage, il y a énormément de de concessionnaires qui ont différentes fonctions, des petits clubs, des bars, un petit golf, des terrains de tennis, il y a plein de trucs donc une situation assez complexe. Il y a une coupure complète, du fait qu’il y a une une voie carrossable, et puis l’entièreté de la plage est couverte de bungalows, de petites maisons, de bars et autres qui empêchent un rapport à la mer adriatique.
Ce qu’on propose aujourd’hui, c’est de réhausser l’espace public, et en réhaussant cet espace public, de caser tout l’espace, disons commercial, que nos clients nous propose. L’idée de base est de déployer le parc Fellini sur l’entièreté de la côte, et de résoudre cette espèce de dialectique entre la promenade longitudinale et transversale. On a fait comme toujours pas mal d’explorations de concepts, pour en arriver à la conclusion que cette question entre le transversal et le longitudinal était vraiment le truc à traiter, et qu’en fait, Burle Marx, le paysagiste brésilien qui a fait Copacabana, avait déjà résolu le problème, il suffisait juste de copier, et c’est ce qu’on a fait, avec un peu de modifications, un changement d’échelle, le découper et le rendre tridimensionnel plutôt que simplement bidimensionnel, mais être assez fidèle à sa marque. Voici le projet tel qu’il est aujourd’hui, tel qu’on l’a présenté, ici dans son ensemble, ici depuis le grand hôtel sur la place. Donc un projet qui, au premier abord, dans une vue en plan, assez dense dans sa programmation, mais plus on monte, plus on perd de densité pour se retrouver avec une toiture complètement accessible.
Le plus gros bâtiment, c’est l’hôtel qui est en proue de site. Et là encore, on utilise le même système, on a eu plein de différents tests d’hôtels qui essayaient de s’insérer, mais finalement on a décidé d’étendre l’hôtel sous le voile de Burle Marx.
L’état du projet pour l’instant, c’est qu’on est toujours en concours. Le projet a été présenté dans différents endroits, présenté à Turin pour le le congrès d’architecture mondial de l’UIA, on l’a présenté plusieurs fois à Rimini, bien sûr, et on attend les résultats.
Projet d’architecture en Norvège
Alors je vais finir sur un projet qui prend pas mal de notre temps, on a même créé un nouveau bureau pour ce projet, c’est un projet norvégien de tremplin, de saut à ski. Un projet vraiment national dans le sens où c’est l’icône, c’est un peu la Tour Eiffel norvégienne. Leur spécialité, c’est le saut à skis, ils l’ont inventé, ils l’ont depuis plus de 150 ans. Holmenkollen, c’est la mecque du saut à ski. Quand on a gagné le concours international, évidemment il y a eu plein de problèmes, puisque dans la presse, on nous a critiqués pour ne pas être norvégien, d’autant plus belge, un pays assez plat, avec un bureau au Danemark, un autre pays encore plus plat, donc faire un tremplin en Norvège c’était presque impossible.
Donc, ma première idée était de parler de ce projet-ci, un peu l’icône des tremplins de saut à ski aujourd’hui, fait par Zaha Hadid, que vous connaissez bien, donc architecte irakienne avec un bureau à Londres, qui fait un tremplin à Innsbruck, en Autriche. Le thème du projet, c’est une question d’emblème national, et c’est là où on a vraiment travaillé dur pour aller dans le sens du de l’icône, décortiquer tout ce qui a été fait, de le purifier et de le simplifier, et de finir par un système qui englobe tout mais en un geste. Voici le projet dans son contexte. Ce qui était intéressant, c’était aussi de se rappeler qu’Holmenkollen c’est le meilleur endroit pour voir Oslo. C’est bien d’être vu mais mais c’est aussi bien de proposer une vue de la région, donc on s’est dit qu’il était important de travailler avec ça et d’essayer d’étendre cette capacité.
Projet d’architecture : technique et ingénierie
Le concept est très simple : c’est un projet technique, d’ingénieur, presque. On a énormément de demandes, d’un point de vue de la pente idéale et autres, on a des demandes de protection pour le vent, donc on essaie de combiner déjà ces choses-là à la base, en faire un mouvement, après d’enlever toutes les choses qui perturbent un peu les abords, les utiliser comme support structurel, de coincer dans tout ça la circulation, à proprement parler, et puis de finir avec cette espèce de terrasses presque régionales où on a une vue à 360° de toute la région. Les abords se font donc de nouveau sous la pente de saut, et dans la montagne, donc de nouveau très peu d’éléments perturbateurs. Et puis nous sommes en train de négocier pour continuer à voir le projet dans son ensemble. On doit dessiner une arène de 50000 personnes et le tremplin en un projet c’est un peu le challenge du concours. A l’époque, j’ai présenté ce projet à Los Angeles à USI, et là on m’avait dit que le projet passait très bien comme comme chaise longue pour Dieu, étant donnée la courbe et la taille.
Questions
- “Moi j’aimerais vous parler, je commence la première, de votre communication qui est vraiment claire, excellente, je voudrais savoir si c’est vous qui la travaillez, parce que je reconnais la ligne claire d’Hergé, qui a une identité belge, je crois qu’il y a quelque chose de très clair de ce point de vue, pour nous les Français. On le voit, c’est provocateur. Est-ce que vous pouvez nous parler de cette tradition, comment vous vous engagez là dedans, est-ce que c’est un parti pris voulu, avec qui vous travaillez, est-ce que c’est du design global ?”La bande dessinée, j’en ai lu pas mal. Je crois qu’aujourd’hui c’est important de communiquer son travail de manière très didactique. C’est assez important de pouvoir isoler des éléments caractéristiques d’un projet puis de les identifier, mais est-ce que c’est en rapport avec la bande dessinée ? Peut-être. Le côté anecdote, c’est toujours intéressant dans un contexte de présentation, je pense c’est important de donner un peu plus de souplesse à ce qu’on à présenter. Parfois, c’est négatif de présenter trop de choses, parfois c’est bien d’être assez concis, ça dépend vraiment aussi du contexte. Un client ou un étudiant, c’est un peu la même chose, il faut expliquer les choses au cas par cas, vraiment décortiquer le projet pour que son ensemble soit perçu. C’est assez intéressant de faire cet exercice, assez important de l’enseigner et de le pratiquer, déjà à l’école, parce que pour moi c’est clair que c’est un des éléments qui permet de convaincre les clients de faire des trucs de dingue. On fait des projets assez incroyables, mais on les décortique en trucs assez bêtes, mais au départ c’est assez difficile de comprendre la facilité du projet.
- “Bonjour, je suis vraiment très contente de vous voir. J’étais en Norvège l’an dernier, donc le projet d’Holmenkollen, je l’ai suivi dans la presse norvégienne. A une époque, ils pensaient plutôt réutiliser l’existant pour leur championnat en 2011, et s’en est suivie, surtout dans les écoles d’archi, moi j’étais à Trondheim, un grand mouvement pour la pétition sur internet : “Construire Holmenkollen pour 2011”. Et finalement, je ne sais pas ce qui a abouti, alors je suis contente de pouvoir vous poser la question directement : où on en est ?”On a envoyé à tous ceux qui nous ont supportés un e-mail qu’on a eu le contrat pour le faire. Donc, on le fait, pas en rénovation, mais on le fait pour de vrai, le projet. L’ancien tremplin est en train d’être détruit. La semaine prochaine, il tombe. Il y a beaucoup d’éléments qui ont participé à la décision, je crois que la pétition a participé, parce qu’on est parti de rien et on est arrivé au contrat qu’on voulait, en six à huit mois de négociations, de présentation constante à la ville, donc ça se fait, c’est en cours, on a un bureau à Oslo qui bosse sur le projet, merci.
- “Quand on a la chance d’avoir travaillé chez quelques grands et qu’aujourd’hui on se retrouve confronté à cela, tu parlais d’un concours avec Jean Nouvel, comment se fait le passage de sortie entre le travail de cabinet et cette cour-là ? Est-ce que c’est lié à une volonté précise de s’engager dans cette voie-là ?J’ai pas tellement envie de commenter sur le fait que ce soit de la chance ou pas de la chance, on travaille suffisamment, mais maintenant tout le monde travaille beaucoup. Là, on fait notre premier concours contre N, que je ne présente pas puisque c’est confidentiel, ça c’est un moment un peu plus plus important. Ceux qui ont été à la Biennale de Venise cette année, vous avez peut-être vu qu’il y avait un truc assez intéressant. Il y avait donc les maîtres, soit-disant, et puis le reste. Donc, avant, on avait fait un truc contre lequel j’étais assez critique, et puis après j’étais assez heureux qu’ils l’aient fait, puisque en présentant les maîtres comme maîtres et puis le reste, comme reste, c’était clair. Les maîtres sont que des maîtres. Voir le travail de Zaha depuis sa genèse jusqu’à aujourd’hui, dans le contexte contemporain de l’architecture, on se dit que c’est plus une maladie qu’un progrès. Et donc, de voir cette différence entre les gens qui ont vraiment embrassé l’idée de la signature en architecture, leur être entier dépend de cette signature, donc Coop Himmelb(l)au, Zaha Hadid, c’est vraiment des signatures, Frank Gehry, autre signature, ce sont des maîtres. Comme des maîtres peintres. Et donc, du coup, de voir tout le reste, ça permet de relativiser et de valoriser en fait le travail des architectes aujourd’hui, pas des maîtres, mais de tout le reste, qui font un travail incroyable.Je n’ai pas de conseils à donner, déjà je ne pense pas que ce soit un but d’arriver dans cette espèce de monde d’architecture un peu élitiste. Pourquoi ? Parce que si c’est pour être un maître, soit disant parce qu’on a fait ce qu’on a fait, on a répété suffisamment de fois pour que les gens pigent, pour moi c’est pas intéressant. Par contre, ce qui m’intéresse c’est de voir les diversités, tout ce qui est singulier, tout ce qui est nouveau au sens propre du terme, c’est étonnant, ça c’est intéressant. Je pense pas qu’on arrive à ça en pensant “il faut que j’y arrive”, quand on pense “il faut que j’y arrive” on prend les mauvaises décisions.Ce qu’il faut faire, il faut un peu les choses qui ont l’air incroyable comme juste un vrai projet. L’exemple du tremplin, c’était un concours ouvert international, et on l’a traité comme un projet donné. Il y avait de demandes, des consultants en ingénierie, on l’a traité comme il se doit, un vrai projet. On vient un peu de la porte un peu plus risquée, en travaillant beaucoup sur le concours ouvert, sur des trucs qui génèrent peu de résultats positifs, il n’y a pas de doute. On fait beaucoup de projets, entre 80 et 100 projets par an. Il y a peut-être 30 commandes là-dedans et puis le reste, c’est des concours. Après, les concours, c’est peut-être une vingtaine qui sont invités, dépendamment de l’année, et puis le reste c’est soit sur appel d’offres, soit ouverts. Maintenant qu’on a un peu du boulot, on essaye de réduire le nombre de concours ouverts, mais en même temps c’est un peu les olympiques de l’architecture. Faut le faire, parce que c’est génial, on est en concours contre tout le monde. On perd beaucoup mais quand on gagne, c’est simpy. Il faut risquer, il n’y a pas de doute là-dessus. Je crois que même Rem Koolhaas continue à faire des trucs comme ça.